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Santé mentale et maisons de repos: mes questions en Commission santé et aide aux personnes

Retrouvez mes questions au Ministre Alain Maron lors de la Commission santé et aide aux personnes du jeudi 18 juin 2020.


La prise en charge des questions de santé mentale dans le cadre de la crise de Covid-19

Monsieur le Ministre,


Alors que la Belgique poursuit son déconfinement à pas mesurés, et que l'épidémie, bien que toujours présente, semble en voie d'être progressivement maîtrisée, il nous semble important de nous pencher à nouveau et de manière plus posée sur les enjeux de santé mentale, déjà évoqués lors des précédentes réunions d'information de cette commission, et de vous interroger sur les mesures prises et le bilan provisoire que l'on peut dresser en la matière.


Nous avons été plusieurs à le souligner, la crise sanitaire et le confinement généralisé qu'elle a nécessité furent à bien des égards inédits pour l’ensemble de la population. Outre le nombre de décès ou les effets dramatiques sur la santé physique de la population (et tant d'autres aspects que je ne développerai pas), cette pandémie laissera sans nul doute des traces profondes sur notre santé mentale, et les expert·e·s sont nombreu·x·ses à nous mettre en garde contre cette "troisième" ou "quatrième" vague plus silencieuse.


Pour certaines catégories de la population, les effets sont sans doute déjà observables. Je pense notamment aux personnes qui souffraient déjà de troubles de santé mentale avant la crise, pour lesquelles cette période d'inconnu, d'angoisse et parfois d'isolement forcé a agi comme un amplificateur, et dont la prise en charge ou le suivi médical furent grandement complexifiés. Il y a également celles qui furent les plus directement touchées par l'épidémie, le personnel du secteur médical ou social de première ligne, les personnes âgées, les jeunes.


Mais pour tant d'autres (les foyers aux situations familiales difficiles, les personnes endeuillées, celles qui se retrouvent brutalement en situation de précarité, etc), et au stade actuel du déconfinement, nous ne mesurons encore qu'à peine, voire pas du tout, les effets de ce choc traumatique généralisé.


Il est donc important de les anticiper et de travailler dans une perspective programmatique sur une stratégie concertée avec le secteur, qui conjugue à la fois les besoins individuels et collectifs qui devraient se faire ressentir dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Il conviendrait aussi de soutenir ou mettre en place des dispositifs proactifs dans le cadre professionnel ou dans les quartiers, pour permettre de toucher un certain public qui aurait du mal à recourir à ce soutien pourtant nécessaire. Vous parliez il y a 15 jours d’une faible demande de la population par rapport aux services de santé mentale, je pense que du temps est parfois nécessaire et qu’une première étape avant d’éventuellement passer par une psychiatrisation du problème est de passer par un travail communautaire, d’échange du vécu de manière collective, comme une sorte de catharsis.


J'en viens à présent à mes questions :


Vous annonciez il y a deux semaines qu'une enveloppe de 800.000 euros avait été dégagée pour le secteur de la santé mentale, avec un accent spécifique sur les jeunes adultes :

  • Où en est l'utilisation de ces moyens à ce jour ? Y a-t-il lieu de les réévaluer ?

  • Quelles sont les nouvelles mesures financées à ce stade par cette enveloppe ?

  • Les besoins du terrain correspondent-ils à ce qui avait été anticipé ? Vous évoquiez une demande faible il y a deux semaines. Y a-t-il une différence observable depuis ? S’il n’y a pas de différence depuis 15 jours, quelle réflexion est menée pour toucher la population ?

  • Estimez-vous nécessaire d'élargir le public-cible des jeunes adultes à d'autres catégories ?

  • Avez-vous été confronté à des difficultés spécifiques pour la mise en place de nouveaux projets ? Quelles pistes sont examinées pour y remédier ?

  • Qu'en est-il de la concertation menée avec le secteur ? Et les autres entités fédérées ?

On observe également un certain nombre d'initiatives différentes dans d'autres régions, telles que la mise en place d'un plan pour le bien-être mental en Flandre, ou le recrutement de quelque 140 psychologues en Wallonie pour venir en renfort dans divers services et structures.

  • Dispose-t-on d'une évaluation de ces mesures en Wallonie ?

  • Selon votre analyse, a-t-il lieu de s'en inspirer à Bruxelles ?


La situation des maisons de repos / maisons de repos et de soins.

Monsieur le Ministre,

La crise que nous venons de vivre a affecté de nombreuses personnes dans notre pays et ailleurs dans le monde, ainsi que de nombreuses structures d'accueil et d'hébergement. Il faut reconnaître que la pandémie touche tout particulièrement les personnes âgées et celles qui ont des problèmes de santé. Si l'on ajoute en plus que ces personnes se trouvent dans un lieu fermé, il était logique que les maisons de repos furent des plus concernées.


Cette situation étant inattendue, des mesures ont dû être adoptées en urgence et un peu dans l'inconnu. Alors que la situation s'apaise un peu, vous nous aviez expliqué lors de la précédente réunion de cette commission que vous élaboriez un plan d'urgence pour être mieux préparés face à l'éventualité d'une seconde vague et à d'autres crises possibles. C'est important et je vous félicite de le prévoir dès maintenant, alors que nous ne sommes pas totalement sortis de la crise. Je voudrais savoir où en est sa préparation : Quel est le calendrier retenu pour ce plan ? L'avez-vous préparé en concertation avec le secteur ? À défaut, cette concertation est-elle néanmoins prévue ?

Cette crise a mis en exergue des situations d'inégalités, de problèmes dans la manière dont nous nous occupons de certaines questions ou de certaines personnes. Ces problèmes existaient déjà bien avant la crise. Celle-ci les a non seulement mis en lumière, mais les a de plus aggravés. C'est le cas de la situation des maisons de repos, de la manière dont notre société aborde la vieillesse et comment elle s'occupe de ses aînés. Cette réflexion est un débat de société et doit être traitée de manière démocratique. Il faut que ces choix de société soient déterminés au niveau du Parlement et du pouvoir exécutif. On sait aussi que nous ne pouvons pas aborder la situation des maisons de repos indépendamment de la manière dont nous nous organisons pour permettre aux personnes en perte d'autonomie de poursuivre leur vie avec dignité et en tant que citoyen·ne·s à part entière.

L'après-Covid sera le moment de revoir de manière structurelle notre organisation à divers égards. C'est ce qui est prévu dans l'accord de majorité : programmation, travail à partir des quartiers, etc.

Avant la crise du covid, je vous avais interpellé sur les référents santé par quartier. J'avais aussi interpellé le gouvernement sous la législature précédente au sujet du travail du Réseau européen des institutions nationales des droits de l'homme pour l'application des droits humains aux soins à long terme aux personnes âgées.

Avez-vous connaissance du travail de cette ONG ? Je pense qu'aborder la réflexion sur le vieillissement dans notre société sous l'angle des droits humains est un fil conducteur à suivre pour permettre à chacune et à chacun de vivre de manière digne jusqu'à sa mort. Nous pourrions d'ailleurs les rencontrer dans le cadre de cette commission.

La Fondation Roi Baudouin a mené depuis des années un travail d'envergure concernant les maisons de repos. Rappelons à ce titre ses deux rapport "La maison de repos du 21ème siècle : un lieu de vie convivial, soins inclus", ainsi que "Le modèle Tubbe, la gestion des maisons de repos et de soins basée sur la relation". Je souhaite ainsi que nous puissions également auditionner la Fondation Roi Baudouin au sein de cette commission pour que ces rapports nous soient présentés. J'espère que mes collègues me soutiendront dans cette demande. Je pense que ces travaux et ces expériences internationales doivent nous inspirer pour faire évoluer nos maisons de repos et leurs modes d'organisation.

Je pense que nous pouvons, dans notre réflexion à ce sujet, nous concentrer sur deux éléments : l'organisation générale au sein des maisons de repos d'une part, et l'amélioration des conditions de travail du personnel d'autre part.

Le modèle Tubbe développé en Suède présente un grand intérêt car il implique les personnes âgées dans les prises de décisions des structures. Il est de plus particulièrement ouvert sur l'extérieur, évitant ainsi de faire de la maison de repos un monde clos, et il permet une grande autonomie des résident·e·s. Nos maisons de repos à Bruxelles gagneraient fortement à s'inspirer de ce modèle sur ces trois points, quand on voit le manque de souplesse dans les horaires de repas et des toilettes, le manque d'activités dans les soirées, le manque d'ambition dans les comités de participation... etc. Un projet pilote est en cours, auquel participent quelques maisons de repos et qui visent à s'inspirer de ce modèle. À nouveau, la Fondation Roi Baudouin peut nous informer à ce sujet.

Autre élément sur lequel je souhaitais vous interroger, c'est la reconversion des lits MR en MRS qui est importante dans la question de l'organisation des maisons de repos puisque nous pouvons clairement établir un lien de causalité entre le manque de personnel et le non-respect des droits fondamentaux des personnes âgées en maisons de repos. Je souhaiterais donc savoir où en est cette reconversion, puisque vous nous annonciez récemment qu'elle était en cours ? Car si les effectifs en personnel sont insuffisants dans les maisons de repos, ou si leurs conditions de travail y sont mauvaises, nous ne pouvons espérer que les personnes âgées y bénéficient de bonnes conditions de vie. Si le personnel est en plus grand nombre, il est moins fatigué et plus disponible pour garantir l'aspect humain de son travail.

Finalement, ma dernière question portera sur les normes : lors de la sixième réforme, nous avons hérité de l'état des normes des maisons de repos, qui n'ont pas été adaptées depuis ce transfert de compétences. Avez-vous commencé un travail de révision à ce sujet ? Si oui, quelles sont les objectifs que vous poursuivez dans l'adoption de ces nouvelles normes ?


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